Sur fond d'évolution globale de l'Islam dans le 93 et des situations conflictuelles dans le monde musulman, peut-on parler de fondamentalisme, de radicalisation, de repli identitaire, de communautarisme ? Quels sens leur donner ? Telles étaient les questions posées à cet intellectuel engagé, spécialiste de l'Islam en France.
Propos recueillis auprès de Françoise, Marie-Cécile, Elodie et Jean
L’espérance que les obscurantismes peuvent être surmontés
La maison diocésaine a fait salle comble le vendredi 20 février dernier à Bondy pour écouter Omero Marongiu-Perria sur la question du fondamentalisme musulman dans nos banlieues.
Il a bien souligné que dans le monde musulman, comme chez les chrétiens, il y a une tendance globale à la sécularisation, et que ce phénomène de radicalisation ne touche qu’une infime minorité de personnes, souvent jeunes, même si c’est d’elle que les médias parlent sans arrêt.
Pour ces jeunes qui se radicalisent, il y a un phénomène de rupture qui peut s’expliquer sur le plan identitaire, sur celui de leurs réalités socio-économiques, mais qu’il ne faut pas sous évaluer l’influence croissante de certaines mouvances musulmanes qui revendiquent une vision du monde de domination et d’incompatibilité de l’islam avec la laïcité. Ces jeunes sont ainsi poussés à « se mettre à part » et à rendre visible cette séparation. L’islam devient pour eux une enveloppe sécurisante qui donne sens à leur vie, dans des lignes de conduite pour lesquelles tout est écrit. Dans notre société devenue mercantile, où les perspectives ne sont plus crédibles, ils ont besoin de retrouver du sens, et même du sens sacré.
Pour Omero, il est indispensable d’exercer son esprit critique dans le domaine du religieux.
Ces jeunes ont besoin d’être aidés pour mieux « négocier » leur identité religieuse avec le monde environnant.
Si Dieu nous a donné une intelligence, c’est pour nous en servir, nous avons donc à « faire marcher notre cerveau », sinon on s’enferme dans des sourates du Coran sans essayer de comprendre à quel contexte elles étaient reliées à l’époque du prophète Mohamed.
Nous avons accueilli avec grand intérêt cette autocritique constructive, qui nous a appelés une fois de plus à ne pas faire d’amalgame entre l’essence de la religion musulmane et ses dérives sectaires. D’ailleurs, Omero nous a dit à quel point les évènements dramatiques de janvier avaient ébranlé les communautés musulmanes, qu’ils provoquaient de nombreux débats dans les mosquées, et que les musulmans qui travaillent à un islam mieux intégré dans la société moderne étaient de plus en plus nombreux et influents.
Cette soirée avec Omero : une bouffée d’oxygène, l’impression d’une vraie rencontre … l’espérance que les obscurantismes peuvent être surmontés. Oui, ce qui prime, c’est notre identité commune, le fait que nous sommes d’abord des humains. Et qu’il est possible de mesurer nos identités religieuses et nos pratiques à ce critère : est-ce pour nous, musulmans ou chrétiens, un plus d’humanité ? Et de continuer à nous battre, comme le fait Omero, pour défendre nos « valeurs universelles ».